Récits

Neige et Avalanches

Yeux Ronds (1998)

Cette histoire date de quand j'étais ado. Je partais souvent en randos avec mon grand oncle. A l'époque, j'avais très peu d'expérience de la neige. Un jour de début Avril, je parviens à le motiver pour une rando raquette. Seulement, il n'est dispo que l'après midi... Certes je me doute que c'est pas top de partir l'après midi; mais je choisis une balade facile donc pas de souci...

Au parking, les randonneurs qui rangent leurs skis nous regardent éberlués...

On entame la montée vers 13h30, la trace est pénible; 30cm récents sont pourris. On parvient non sans ramer au petit sommet prévu.

On attaque la descente qui est peu pénible : la neige glisse devant soi, ça descend tout seul... On a choisit un cheminement évitant le raide au maximum, sauf une pente de 300m à 25/30°. Au milieu de celle ci, je déclenche une coulée de lourde sur 3m de large, mais alors qu'elle semble s'arrêter sur un replat, elle parvient à le franchir et repart de plus belle pour atteindre un dénivelé respectable... Heureusement, personne n'était dans l'axe...

Plus bas, comme pour marquer le coup, une coulée large de 5m a recouvert nos traces...

Le débutant (2001)

Tout d’abord je suis devenu propriétaire d’une superbe paire de … Super Yéti. Trépignant d’impatience de leur faire prendre l’air, j’ai tout de même attendu non sans une certaine difficulté la première sortie du club.

Quelque peu impressionné par le rituel mise des peaux / test des Arvas, je suis alors timidement la colonne de randonneur. Les conversions sont hésitantes. N’ayant pas trop la forme, c’est également un véritable combat que de s’accrocher au rythme du groupe pour ne laisser transparaître aucune faiblesse ! Heureusement, je me garde de faire remarquer mon expérience limitée en ce qui concerne ma piètre maîtrise des conversions ! En effet, un « pauvre » garçon dans le même cas que moi se voit confier par le guidos une « tâche d’apprentissage » : au lieu de suivre la belle trace qui remonte la pente finale, il doit réaliser sa propre trace en effectuant autant de conversions que possible…

A la descente, je retrouve mes marques et trouve enfin une vraie bonne raison à être venu aujourd’hui ;-) Mais je me rends vite compte qu’en ski de rando, on n’a pas tous les jours de la neige de cinéma !

Le WE suivant, je m’inscris pour une sortie donnée plus difficile, la Dent du Pra. Mes compagnons ont l’air plus aguerri cette fois ci. Il semble que je sois le seul débutant aujourd’hui… Je vais me mettre véritablement au taquet pour essayer de suivre cette bande de motoneige ! L’un d’entre eux s’est même payé le luxe d’oublier ses bâtons. On arrive dans la partie raide. On met les skis sur le dos. Je suis plutôt soulagé de changer de type d’effort ; mais rapidement je me retrouve dans le même état de fatigue. Puis on rechausse les skis. La pente est d’au moins trente degrés, et la neige est béton. Elle s’insinue entre des barres rocheuses… Je mets les couteaux, mais cela a peu d’effet sur mon moral et sur mon aisance. Le groupe s’est maintenant envolé, sauf le gars qui a oublié ses bâtons. Il utilise le manche de sa pelle à neige comme appui, et semble bien plus à l’aise que moi. Je suis crispé sur mes bâtons, ne faisant pas confiance à mes carres. Le cauchemar se termine avec un beau (superbe)sommet. Ce jour là, j’ai bien failli abandonner le ski de rando. Heureusement, je n’en ai rien fait ! Dès la sortie suivante, j’ai commencé à moins en baver, et je me suis rendu compte qu’on ne se retrouvait pas tous les jours à faire des conversions sur de la neige béton…

Pointe du Dard (2002)

Avec un groupe de 6 personnes encadré par 1 guide, on est à la pointe du Dard en avril 02. Il a un peu neigé récemment, 10cm, mais surtout un vent s’est déchaîné dans toutes les directions. On entame la descente directe. Dans une petite pente à 20°, une petite plaque part et s’arrête presque aussitôt. Ensuite on passe un goulet raide puis on commence à se regrouper au sommet d’1 grande pente à 30°. Au 3ème, tout cède, une plaque de seulement 15cm, mais qui part sur toute la pente. Personne n’est emporté, mais l’avalanche dévale au moins 400m, et atteint déjà une taille très conséquente. Elle s’arrête peu au-dessus de la trace montant au refuge Félix Faure.

Ce jour là, vu notre situation, on n’a pas risqué grand-chose, mais s’il y avait eu des gens plus bas, où que la plaque ait cédé plus bas, il aurait pu en être autrement...

L'Oule ou "journée noire" (2005)

On part en ski avec Guillaume et Rémi, plus pour se retrouver que pour le ski. Les conditions ne sont pas top, donc on part dans un truc à priori facile. C'est mal connaître le redoutable vallon de l'Oule dans le massif de Belledonne.

En fait, il y a eut très peu de neige fraîche (5cm deux jours auparavant); mais un fort foehn s'est déchaîné et a pourri tout le manteau, accompagné d'un fort redoux. Le bulletin neige et avalanche de Météo France ne prévoyait pas tout cela évidemment (annonce classique d'un risque 2 évoluant 3 en journée). Et pourtant à voir les récits de course en rentrant le soir sur Internet, la situation alarmante était généralisée ce jour là. Comme quoi il faut avant tout suivre son instinct. A ce titre, j'ai pu remarquer 2 fois déjà un retard de environ 2 jours dans le bulletin d'avalanches pour annoncer une situation "préoccupante".

De nombreuses personnes sont au parking, la majorité vont au couloir du Perthuis. On entame la montée jusqu'à la traversée au niveau des cascades, dans un vent presque gênant. Là, la trace est recouverte. La neige lourde tient mal. Alors que guillaume est arrêté dans une pente débonnaire (30°, 4m de large pour 7m de haut), 2 skieurs arrivent dans le sens de la descente et s'arrêtent juste au dessus de lui. Ceci a pour effet de déclencher une plaque de 30cm de cassure sur toute la pente, qui embarque guillaume. Les vernes pourtant importantes n'arrêtent ni l'avalanche qui grossit, ni le skieur. Guillaume va faire 50m de dénivelée et finir enfoui jusqu'à la taille... On arrête les conneries pour aujourd'hui, demi-tour.

TBJ
TBJ
TBJ : Traversée de Belledonne à la Journée... (2008)

Avec Benoit, Bubu -- Départ en vélo pour la gare de Grenoble, puis montée à Chamrousse en bus. Le premier bus est plein, cela commence bien! Sinon, un coup de fil m'apprend que j'ai obtenu un taf à Chambéry :-) Non madame, je ne pourrais pas vous apporter un justificatif de domicile pour aujourd’hui! De toute façon ce soir je dors dehors… Après une rapide mise en jambe, mes collègues font les beaux sur la Croix de Chamrousse! On n'est pas là pour acheter du terrain non d'un chien!!! On attaque donc la première séance de pousse bâton vers les lacs Roberts. Si tu n'aimes pas le pousse bâton, alors ne traverses pas Belledonne!! Bubu, lui, il adore ça ;-) Ensuite premier repeautage et là, c'est le gros coup au moral : ça ne colle pas!!!! Certes nous avons des "jauckers" : sparadrap, double face, paire de peau de rechange, mais si ça loose dès le début... Finalement ça le fera et ça sera même le seul repeautage « merdique », ouf! Montées au col de Freydanne et à l'épaule du Rocher de l'Homme un peu chaudes, en mode économie d'énergie... Puis coucher de soleil aux abords de la brèche de Roche Fendue. Guillaume a prit une insolation, du coup avec Gastoumane ils redescendent sur Prabert. Gastou a bien hésité à nous accompagner, mais avec Guillaume, ils avaient pas prévu un arrêt à l’Oule au départ. Nous bénéficions d'un excellent regel et d'un peu de lumière pour la traversée par le pas de la Coche. Top. La forme revient avec l’obscurité, après la chaleur de l’après midi. Nos corps entrent dans un état second, 1/3 de sommeil, 2/3 éveillé : une fois le rythme réglé, ça avance tout seul! On a alors l’étrange sensation de faire partie de la nuit, partie de cette énorme montagne massive. Remontée dans le noir total à la Belle Etoile, où l'on retrouve une belle lune. Descente sympa. La remontée au Rocher Blanc est surement la plus dure du parcours : une sérieuse envie de dormir nous rattrape… Pourtant il n’est que 23h! Heureusement, ça ne sera qu'un court moment. Pause atypique dans une brèche un peu avant le sommet, rendue surréaliste par le vent, la nuit, les ombres. Nous y sommes enchâssés dans des rochers tel dans notre sofa, nous échangeons quelques victuailles, sans paroles. Un moment parfait en somme. Sommet superbe et encore une descente sympa sous la lune. Pousse, pousse, pour rejoindre le col du Tepey par le passage Brabant. Au repeautage, je vois une bestiole détaler, cela ne court pas comme un chamois... Loup? Renard? Une ombre qui danse dans la nuit. Puis par un passage secret à Bubu, on rejoint en 3 enjambées la Selle du Puy Gris, avec au passage les cinquante mètres en faces planes sur 7000 mètres de descente... A la Selle, comme a tous les sommets précédents, un petit vent frais ne nous incite pas à la prospection immobilière. Dans le vallon de l'Oule, la neige est moyenne... La remontée au col du Moretan commence à être difficile. On passe la barre des 4600 mètres. C'est la pause au refuge du Merlet. Triple loose pour ma part : je pars devant, et je traverse bien à flanc. Je ne vois pas le refuge et préfère attendre mes compagnons. Ils tardent. Je les vois arriver au centre du vallon et mettre 2h. Du coup je les rejoint et je perds mon avantage du flanc du vallon alors que j'avais tout juste! Et Bubu avec ses skis ultras fartés entame une traversée de sa spécialité. Avec Benoit, on le suit un peu plus bas. Puis on le perd! Le refuge était caché derrière une bosse! Nous voilà obligés de remettre les peaux!! Au refuge, la pause est plus contre productive qu'autre chose : les pâtes passent mal, on se refroidit. Certes 30min de sommeil pour ma part. Puis avec Benoit on repart devant en traversée ascendante! Merde fallait descendre!! La remontée au col du Crozet, agrémentée d’une neige gelée, commence à bien nous saper le moral : on se sent perdu dans les immensités de ce vallon. Et un vallon peut en cacher un autre… une descente imprévue de 50 mètres en bonus. Mais la simple vue du cirque des Férices nous re-motive : c'est trop beau, objectif les Grands Moulins, là-bas... Prochaine parcelle à visiter... Une bonne croutée, puis la traversée qui suit nous demande vraiment de la détermination : tantôt a tracer, tantôt en neige gelée. Mets les couteaux. Monte. Traverse. Mets les skis sur le sac. Descends de 50m en peaux versant Maurienne. Remontes en faisant la trace plein soleil dans la pourrie. Traverse. Descends. Remets les skis sur le sac. Rescends!!! C’est un très joli parcours typé alpin, mais dans l’état où nous sommes nous ne l’apprécions pas comme il se devrait. Arrive la remontée aux Grands Moulins. Là, on sent que tout ça nous a entamés... Mais ce magnifique sommet est le bastion nord du massif, le passage obligé qui donne un sens fort à cette traversée. Cette dernière montée est comme une épreuve ultime, où l’on dialogue avec soi même au plus profond. Il nous faut refaire une trace dans des pentes à 30/35° en neige transformée qui glisse sous nos skis. Nous sommes tellement impliqués que cette technique délicate finit par s’opérer naturellement. Nous avons trouvé.

Au nord, le massif des Bauges et sa superbe barrière Arces-Arclusaz nous incitent à stopper là notre périple.

La descente du versant Nord-Est passe bien, comme quoi il reste des cuisses. Une petite loose nous vaudra des arcosses bien merdiques puis du free-ride dans un couloir super étroit à 45°!! Tant que ca évite du pousse bâton ;-) La descente sur la Florence passe bien, un border cross sans caillou, inespéré... Arrivée à la nuit. Plénitude.

Retour dans un monde civilise. Grève SNCF. On a fait TBJ!!!