Récits

Beaux enchaînement (2003/2005)

Instinct

Alors que je dispose d’un début d’expérience et que Guillaume n’en a aucune, on part pour la face Sud de l’aiguille d’Olle. La montée, facile et peu équipée en rocher, et la descente, facile en neige, sont l’idéal pour un apprentissage de la montagne.

Petite anecdote au préalable : je recommande à mon pote de prévoir piolet et crampons pour la descente, ce qui s’avèrera inutile au vu des bonnes conditions de neige. Guillaume arrive le matin, avec piolet et crampons; mais en short! Petit recentrage, on décide d’y aller quand même…

L’approche est rondement menée; cependant j’ai dédaigné d’imprimer une superbe photo couleur montrant l’ensemble du secteur avec les attaques. D’après mes repérages, nous sommes au pied de la bonne face. Le topo nous dit d’attaquer dans un couloir et de le quitter à une grotte. Seulement, on scrute le couloir supposé le bon, mais pas de grotte… Nous voilà partis pendant 1h30 à chercher le bon couloir, et une fois qu’on a le nez collé à la paroi, on est comme aveugles… Après un ratissage du secteur, on se décide à remonter un couloir présentant un semblant de grotte; en étant persuadé que ce n’est pas le bon. On décide de continuer le couloir qui semble proposer une ligne jusqu’au sommet, bien que le cheminement semble moins évident dans la partie haute. L’itinéraire est sympathique: on commence par franchir un verrou; puis on utilise les rives présentant des dalles correctes. Dans la partie haute, le couloir se resserre et présente un passage impressionnant vu du bas, mais qui passe bien, en bon rocher, mais assez peu protégeable. Alors qu’un relais est constitué d’un gros friend et d’un coinceur dans l’unique fissure à 20m à la ronde, un névé situé bien plus haut commence à couler et bientôt je regarde impuissant le ruisseau arroser copieusement mon beau relais… Un peu plus haut, alors que Guillaume rejoint en second un petit éperon, il descelle un gros bloc qui fuse dans le couloir. Le cataclysme qui fait suite est plutôt impressionnant : dire que l’on se trouvait là dedans un peu plus tôt! Ce genre de course est vraiment à proscrire à plusieurs cordées… On débouche finalement sur la crête à 200m du sommet…

Ce jour nous avons une ouverture... majeure en III+, et après analyse une fois de retour, on s’aperçoit que le 1er couloir était le bon… Ce fut quand même une expérience très formatrice et aussi exaltante car on ne savait pas où l’on allait déboucher... ni si ça allait sortir! Donc une course dans un esprit de pionniers!

Enchainement impromptu

On prévoit d'aller en ski à la face classique de Comberousse. Guillaume, Rémi, et Fabrice sont de la partie. Le regel est annoncé moyen. La douceur matinale et un mauvais souvenir de l'Oule nous font changer d'objectif au petit matin. Du coup, les piolets restent à la voiture.

Départ 6h30 de la Martinette pour le col d'Arguille. On prévoit de faire la boucle en redescendant versant Nord.

Je tient une motivation correcte depuis quelques jours et mes potes doivent s'employer jusqu'au verrou de la Plagne Vaumard. Une idée me trotte dans la tête durant la montée, mais je la garde pour moi pour l'instant pour la sortir au bon moment (il est encore trop tôt!).

Au dessus de 1700m, le regel est très correct. La montée se fait rapidement sur une neige transformée bien regelée. A 10h00 on est au col.

La descente versant Nord se fait sur 5cm de poudre sur fond dur, pas désagréable. Et là, je lâche le morceau : comment transformer un B1 (traduction = But par changement d'objectif) en B0 (traduction = pas de But). "Il y a juste 600m de dénivelée à faire et on est au sommet de Comberousse." En effet j'ai un vague souvenir d'un topo de randonnée alpine qui rejoignait le vallon de la Valloire depuis le sommet de Comberousse. Si ça passe à la descente à pied, ça passe forcément à la montée en hivers...

Je me doutais que Guillaume et Rémi ne remonteraient pas, connaissant le fonctionnement de leur motivation!!! (=> on a fait un sommet, donc c'est déjà pas mal!). Je parviens à motiver Fabrice, qui bien que fatigué, ne tarde pas à se décider, l'appel de la pente étant le plus fort.

Et c'est là que tout cela devient machiavélique, car bien que non prévu à l'origine, et arrangé tout à fait au hasard, Guillaume et Rémi vont se retrouver à aller récupérer la voiture et à venir nous récupérer Fabrice et moi au parking de l'Oule! Merci encore à eux pour nous avoir permis ce petit voyage.

La remontée sur l'Oule est aisée avec une neige toujours pas dégelée en versant Sud, le top... Juste un peu de sport pour les 50 derniers mètres : une courte pente à un bon 50° sans piolet ni crampons... mais la neige permettait de faire de superbes marches en tapant un peu le pied.

Et là, comme prévu, la pente de Comberousse est en poudre un peu lourde (orientation Nord/Est), mais très agréable à skier. A un moment, on déclenche une mini coulée, mais vu la très faible épaisseur de fraîche, pas de danger. Ensuite, à notre grand étonnement, la couche de fraîche est bien transformée et la sous couche porte bien : c'est un véritable régal jusqu'à 1950m environ. Reste 700m de ski nautique sous le refuge de l'Oule (tout a déjà purgé, avec des monstres dépôts de 7m de haut qui viennent lécher le chemin). Petit étonnement quand même quand on croise un groupe de 20 personnes montant à l’Oule au milieu de l’après midi, tous collés les uns aux autres au milieu d’une pente pourrie; et qui plus est emmenés par un guide...

Mont Aiguille
Archiane
Croix des Têtes
Tri type rocheux

On s’est décidé avec Thibault pour enchaîner une journée au Mont Aiguille et une journée à Archiane. Assez fainéants comme à notre habitude, le rendez vous est fixé à Grenoble à 11h00, ce qui fait déjà un peu (très) tard. Un retard « considérable » de ma part raccourci encore notre temps disponible... ! Après maintes hésitations, on part quand même dans notre objectif initial, le pilier Nord Est du Mont Aiguille. L’escalade commence vers 14h30…

La 2ème longueur est abominable ; surnommée la fissure "sandwich" à juste titre. Cotée 4+ à l’origine, c’est une cheminée juste assez large pour le tronc et très lisse... J’y passe du temps ; mon second râle, mais je voudrais bien le voir en tête ici. Certes il paraît que le passage peut se franchir en extérieur, mais c’est bigrement impressionnant, d’autant que ce n’est pas suréquipé. Pour moi, c’est le crux de la voie ! Je plante un piton au passage car j'ai déjà utilisé le p....n de friend dont j’ai besoin. Thib va passer 15 minutes à essayer de l'enlever, mais rien n'y fera… Pour résumer, cette longueur est une expérience d’escalade à vivre, même si c’est abominable, c’est tellement différent de ce dont on a l’habitude que ça vaut le coup...

Ensuite, la 4ème longueur est vraiment magnifique : il s’agit d’une grande fissure de 50m en 5+, un poil surplombante au début, puis verticale ensuite. Presque pas de matériel à rajouter (dommage…), mais une escalade très intéressante.

D’après un rapide calcul fait par mes soins, on devrait sortir sur le plateau pas loin de la nuit, donc on ne peut pas « se chier » ; sinon, c’est le bivouac en paroi !

Pour nous rappeler que l’on est en montagne, la 6ème longueur nous propose du 4 expo en rocher très moyen. On prend ensuite la variante directe pour sortir d’une gorge austère, on débouche sur un pilier plein gaz, superbe ! Pour sortir, on choisit les 2 dernières longueurs de « Trilio », comme suggéré sur Camptocamp. Ce n’est pas si facile que prévu, une première longueur très belle en bon 6a obligatoire, puis la 2ème avec un pas de 6b au début et ensuite une fissure peu équipée en 5c/6a.

On profite d’un superbe coucher de soleil au sommet, puis on entame rapidement la descente, que l’on connaît bien heureusement : pas de bouchons dans les rappels à cette heure ! On arrive à la nuit au pied de la paroi, puis on rentre tranquillement à la frontale.

Cette voie est à ne pas manquer, et la « fissure Sandwich » la rend inoubliable ! Quelques mois plus tard, je lis le bouquin d’un ami; et je tombe sur le récit de cette fissure : Georges l’avait faite en second dans les années 60, Gary était en tête et n’avait pas randonné… Quelle fierté d’avoir gravi un passage où un grimpeur aussi emblématique était passé!

Retournons à nos propres aventures modestes mais ô combien farfelues.

Encore une anecdote tout à fait digne de ma personne : au parking, on se rend compte que l’on a tous les deux oublié la popotte!!! On a réchaud et nourriture, mais ni popotte ni assiette... Comment faire chauffer les pâtes sans gamelle ! Dans le fourre-tout que constitue le coffre de ma voiture, je trouve un sachet de semoule, et Thib a une tasse en métal de 33cl ! C’est joué, en faisant 2 tours et en mangeant dans une bouteille en plastique coupée en deux!! Après ce repas gargantuesque, on va dormir sur le parking d’Archiane pour de nouvelles aventures.

Le lendemain, on se dirige vers la voie Livanos, grande classique à juste titre. On passe peut être ½ heure à errer au pied de la paroi pour enfin trouver le bon départ, pas évident. Et là, c’est parti pour 400m de bonheur, mis à part la soif (classique à Archiane d’ailleurs...). L’itinéraire est intelligent, il y a du gaz, l’escalade est soutenue.

La deuxième partie après la vire est toute aussi belle, seule l’avant dernière longueur (du 4) est expo en mauvais rocher.

La voie est pratiquement toute équipée; mais de nombreux pitons sont plus que moyens, les coinceurs sont donc très recommandés. Ceci dit, quel plaisir de trouver ces pitons vétustes : on pense au « Grec » qui est passé par là quelques décennies auparavant. Si elle venait à être rééquipée de spits, la voie perdrait ainsi la moitié de son intérêt.

Après une petite marche à vue sur le plateau, on fait quelques rappels dans une gorge, puis la descente est rapide dans les éboulis. Pas une goutte d'eau avant le village...

Pour terminer cette trilogie, alors que j’aspirais à un peu de repos après la route jusqu’à Chambéry, je reçois un appel motivé d’Antoine qui grimperai bien le lendemain… « J’irais bien au pilier NE du Mt Aiguille » ce à quoi je rétorque aussitôt « Je l’ai fait avant-hier !!! ». Finalement, c’est vers la Maurienne que l’on se dirige pour une ascension express du « Pilier d’Héléna » à la Croix des Têtes.

L’approche est complexe. Normalement, il faut partir de la vallée, passer une partie câblée, puis passer au refuge de Bonant, mais cette solution implique une descente énorme pour rejoindre la voiture.

On fait un choix stratégique : on part du parking de Planchette qui se situe sur le versant opposé, mais qui est plus élevé en altitude.

En 1h45 de marche on atteint l’épaule de Pin Brûlé, on dépose les bâtons, puis en 45 min on redescend la via ferrata et on atteint ainsi le pied de la paroi.

La voie est soutenue dans le 6a, très belle escalade calcaire de 16 longueurs, un peu engagée au début, puis équipée plus proche dans le haut. On est au frais au début, puis le haut du pilier prend bien le soleil.

Dans ce genre de voie, les longueurs "faciles" cotées 4c, 5a se trouvent souvent être des dalles en adhérence bien engagées. C'est dans un 5a que je me suis mis presque le plus gros taquet de la journée!!! Quand on pense à Charlotte Duriff qui a enchaîné à 13 ans la voie voisine (600m en 6c/7a, crux en 7c !), et que l’on tire au clou dans notre crux en 6b+, on se dit qu’on va peut-être changer de sport !

La journée se passe à merveille pour nous, l’escalade sur spit permet de se laisser aller : les gestes semblent naturels, pas besoin de trop réfléchir.

Cette course est très importante pour Antoine qui m’a dit « choisis toi, mais je voudrais faire une belle et longue voie ». C’est sa dernière course avant une opération du genoux.

Ça y est, le soleil arrive, il me rattrape alors que je suis aux prises avec la fameuse fissure en 6b. Celle ci est superbe, départ dans des écailles en rocher peu rassurant, puis passage légèrement déversant, et fin plus large de moins en moins dure. Quelques points sont en place, mais la plupart sont comme d’habitude sujets à prudence : je prends le temps de doubler un petit piton ou plus haut un spit qui semble sorti en partie. Je fais deux pauses en me vachant sur des points, afin d’assurer le coup et de ne pas voler. La sortie de la partie déversante demande une pose de coinceur rapide (temps alloué par mes petits bras = 20/25s!) ou d’engager pas mal! Finalement, le gros friend n’est pas indispensable.

Thib me rejoint au relais, lançant « je suis rôti ». Chez lui, une telle phrase est signe de regain de motivation! En effet, il torche sous mes yeux une longueur et demie de gros V+ en un clin d’œil!!!

Le Dossier du Fauteuil
Le Dossier du Fauteuil

Thibault, de retour de 2 mois en Thaïlande, est bien motivé pour faire un peu de montagne... Sa condition physique acquise sur la plage va permettre à Aurélien de faire le porteur! Youpi!

Avant de gravir cette voie, nous avons pour info une mention du topo "un gros friend indispensable", matériel lourd et onéreux que bien évidemment nous ne possédons pas!!. Quelques lignes plus loin, il ajoute "une fissure particulièrement ardue"... La taille n'étant pas indiquée; le gardien n’en sachant rien non plus, cela laisse une grande place à notre imagination : on se voit au prises avec une renfougne athlétique et improtégeable… Bref tous les ingrédients pour passer une nuit agitée...

De plus, on prévoit de laisser grosses, piolets, crampons à l’attaque afin de grimper légers avec un sac pour deux. Cela impose de redescendre en rappels par la face Sud, la ligne empruntant « la chevauchée des vaches qui ripent » que l’on ne connaît pas. Alors que j’interroge des guides locaux, l’un d’entre eux dit n’avoir jamais trouvé la suite des rappels au niveau de la vire du glacier Carré. C’est sûr, ce sera une grosse journée demain!!!

Dans la soirée, on discute avec des jeunes bien cool que l’on connaît sans les connaître, c’est le côté amusant de CamptoCamp : « ah, c’est toi machin, j’ai bien aimé telle sortie »; « eh, ton nom de famille c’est comment, ah oui, je vois qui tu es!!! ». Il s’agit en fait de Rachel qui va prendre son premier but à la voie Allain ;-)

Le coucher : je parviens au dortoir dans les derniers, il se trouve que ma place est déjà occupée! Ne voulant pas réveiller 30 personnes, je prends sur moi et m’installe dans un court espace. La nuit sera torride, compressé entre deux personnes; la seule position possible étant sur le côté. S’il s’était agit de présences féminines, j’aurais pu trouver quelques côtés positifs; mais non... Bref l’idéal la veille d’une grande course. Pour m’occuper, je compte les scores d’un producteur de méthanal, particulièrement en forme. Toutefois cette nuit très mauvaise m’a légèrement énervé et cela a forgé ma motivation pour la journée du lendemain : cette fissure en 6b, je la torcherai en tête, friend n°=4 ou pas, et les rappels, on les trouvera! Tous mes doutes se sont envolés, chassés par les ronflements et les odeurs de phoque.

Le matin, on ne se presse pas, laissant les cordées de la voie Allain démarrer, le timing est excellent puisque l’on commence à grimper juste derrière eux. Ensuite, nos chemins se séparent sur le Fauteuil des Allemands. On trouve l’attaque « réelle » de la voie sans trop de problème, après une petite Thib-variante. Un sac est laissé avec tout le matos inutile, et c’est parti!

Thib est surpris par le peu d’équipement en place, peu habitué à grimper au flair. C’est vrai que 2 pitons sur 48m, ça laisse de la place à l’intuition et à la protection naturelle!

Il fait encore froid dans les premières longueurs. Dans la troisième, Thib perd le moral : cela commence par un passage côté V+, pas donné du tout, il faut serrer des petites écailles verticales en rocher peu rassurant, l’ensemble étant protégé sur 1 piton planté dans la terre, et plus haut un autre dans une écaille un peu branlante… Quelque peu déconcerté, Thib sort de l’itinéraire voie mais y revient bientôt, puis il saute un relais sans s’en rendre compte. Le relais était à priori sur un unique vieux spit à moitié sorti muni d’un maillon… Du coup, il enchaîne sur un 6a bien équipé de bons pitons, mais qui grimpe sacrément et plutôt au dessus du point. Évidemment, le tirage est de la partie. Ajoutez à ceci quelques onglées apparaissant juste aux bons moments et vous obtenez comme un zeste de galère...

Assez bizarrement, il semble que l’on ait fait les 3 longueurs précédent la vire du glacier carré dans la voie voisine « la Chevauchée... ». C’était beau en tous cas, et l’équipement était plus régulier et moins sujet à réflexion!

Au dessus de la vire, Thib repart dans un 6a qui voit sa motivation fondre: il se trompe d’abord, désescalade plusieurs mètres, puis met très longtemps à passer, se disant près à me laisser y aller. La longueur est très belle, le rocher est bon, mais il est vrai que ça grimpe sacrément. Un passage clé est en run-out, sans voir ni le point suivant ni le point précédent, sans certitude sur l’itinéraire, ni sur la protection!

Averti du style, je torche un V+ de 40m avec un seul piton qui n’indique même pas l’itinéraire; mais il m’a bien rassuré quand même car j’y étais allé au culot, choisissant un mur parmi nombre de dièdres possibles…

Thib se régale dans la dernière longueur dure qui est superbe avec une ligne de fuite grandiose vers le Promontoire.

Ensuite, on gravit des dalles faciles jusqu’à l’épaule où l’on rejoint la voie Allain. Arrivé à ce point, on décide de faire demi tour : fatigue, il est 15h30 et la descente en rappels présente des inconnues.

Finalement, les rappels se passent très bien, pas une corde coincée, et nous avons trouvé tous les relais. On désescalade le Fauteuil, puis on gagne le pied de la face par 3 rappels au lieu de 2 grâce à une nimperie de ma part.

Thib ayant des obligations, on enchaîne la descente jusqu’à la Bérarde. C’est là le véritable crux de la journée; à la comparaison, il faut bien plus de volonté que dans le 6a expo! Quand le mal au pieds devient insupportable, ma méthode consiste à accélérer le pas! On arrive à la nuit noire à la voiture.

Cette voie est très intéressante mais toutefois nous ne nous attendions pas à aussi peu d’équipement, quelques passages assez peu protégeables. Il faut donc y aller en ayant bien cela en tête, et on pourra en tirer un grand plaisir. Sortir au Grand Pic après cette voie doit être fabuleux; tel ne fut pas notre plaisir ce jour; il faudra pour cela être rapides et efficaces.

« Ici c’est comme dans une course »

L’hiver précédent, lorsque je feuilletais les « cents plus belles courses des Écrins », je rêvais de la Pierre–Allain, et de la cime du Grand Pic, de la Meije, j’étais bien loin d’imaginer qu’elles seraient miennes aussi rapidement ! Cette ascension fut une sorte de déclic. Cet été là, j’avais gravi quelques belles courses des Écrins, comme le Candeau au Râteau ou l’arête du Pousse Caillou à la Meije Orientale. C’est d’ailleurs en discutant avec le gardien de l’Aigle que l’idée est née. Au départ, j’avais pour projet de traverser les arêtes de la Meije avec un bivouac.

Nous voici donc Fred et moi remontant le vallon des étançons, le topo pratiquement apprit par cœur. Vu d’ici, on distingue peu de détail, c’est que c’est haut ! Ça en jette en tous cas.

Après une nuit constituée de morceaux de sommeils reliés par des moments forts de réflexion métaphysique « ai-je vraiment besoin d’aller me foutre dans une course pareille pour me sentir exister », nous nous préparons rapidement. Comme c’est une première pour nous, nous avons pris la demi-pension. Nous sommes donc les premiers à nous élancer. Par un long rappel, on se pose rapidement sur le bout de glacier qui garde l’accès à la face Sud. Et là, stupeur, une cordée ayant bivouaqué plus bas nous passe sous le nez à deux minutes près. Bon, cela n’est pas grave, s’ils sont sympas, ça ira, et peut être qu’en plus ils seront plus rapides que nous. Pour être honnête, j’ai bien l’intention de mériter « ma » Pierre – Allain. L’itinéraire est réputé paumatoire, et pour rien au monde je ne voudrais la réaliser au cul d’une cordée.

Le glacier, bien que débonnaire, réserve une rimaye qui demande un petit exercice tout de même ; comme pour nous rappeler où l’on met les pieds. On y rejoint nos gaillards. Deux autres cordées ne tardent pas à nous rejoindre. Je démarre bientôt, puis après une courte traversée, nous devons attendre au relais. C’est un véritable embouteillage. Le jour se lève, et quelle journée !

L’attente s’éternise. Le gars de devant, sympa, nous lance « vous inquiétez pas, on vous laissera passer sur le fauteuil ». Après trente minutes de pause forcée, c’est reparti. Lorsqu’on fait relais au-dessus, nos gaillards sont déjà partis. Ils semblent courir, étrange. Sur le fauteuil, nous choisissons un cheminement en dalle bien à droite, alors que nos compères ont choisis les vires caillouteuses à gauche, plus faciles. Bien mal nous en a pris, ces derniers nous ont copieusement arrosé de belles pavasses qui nous ont sifflé aux oreilles. Bientôt, nous les rejoignons sur une terrasse. Alors qu’il semble évident que ça passe tout droit, l’autre cordée est allée voir quinze mètres à droite et semble débordée par la recherche d’itinéraire. Alors que nous grignotons un bout, ils se décident enfin à revenir pour prendre le passage tout droit. Bientôt, nous les rejoignons à nouveau, alors qu’ils hésitent sur l’itinéraire. Nous avons bien fait nos « devoirs » que et avons distingué dans les topos deux versions différentes à ce niveau. Alors que notre cordée préférée s’engage à gauche, les deux cordées suivantes filent à droite, nous lançant « n’allez pas par là, c’est difficile, il y a des voies modernes ».

Nos prédécesseurs semblent une fois de plus gentiment cafouiller. Ils mettent un certain temps à gravir quinze mètres pour faire un relais qui semble très facultatif. Je décide bientôt de prendre les choses en main, ne voulant pas bivouaquer ici. Aussitôt, nous mettons les chaussons et je m’élance, bien décidé. Rapidement, je dépasse le relais des gaillards et je relaye à trente mètres après un bon passage en dalle. Finalement, le deuxième gaillard – celui qui n’avait visiblement pas grande envie nous laisser passer – n’a pas bronché quand je l’ai dépassé. De leur côté, ils continuent à grimper en grosse, ils ne sont pas mauvais puisque le pas en dalle n’était pas facile. On gagne en ascendance à gauche une zone de dalles faciles. Lorsque je vois les 2 compères déboucher, ils semblent à nouveau entrain d’accomplir un cent mètres. Pourtant, ce n’est pas l’été des JO. Je parviens au relais du bloc coincé, précédent le passage clé en V. Il s’agit d’une longueur aérienne et extérieure en bon rocher. D’ailleurs toute la voie - et même tout le versant Sud de cette montagne - sont caractérisés par un excellent rocher.

Cette fois-ci, ça va être à notre tour de cafouiller. J’entre d’abord sur le marché de la merdouille. Au niveau de la vire du glacier carré, je fais une longueur de cinquante mètres, et en plus je prends une variante athlétique trop à droite ; créant naturellement un bouchon à l’arrière. Il suffisait de monter tout droit dans un dièdre peu marqué, comme quoi à trop suivre le topo… On se retrouve à trois cordées sur la vire à bicyclette… Au tour de Fred de faire dans l’original, puisqu’il s’élance trop à gauche et par un pas que j’ai ressenti à bon 6b, il rejoint la « Chevauchée des Vaches qui Ripent ». Le 6a à 3700m après 500m d’escalade, avec grosses/crampons/piolet sur le dos, ça rend humble… Mais cette variante a du bon, car les autres cordées nous dépassent et on peut réaliser une photo superbe étant au niveau des grimpeurs d’a côté. Je grimpe alors une superbe longueur entre les deux voies, ne sachant pas trop au départ si ça allait passer. Le passage, très raide et compact, laissait présager de sérieuses difficultés. En réalité, il s’avérera très facile, le rocher solide étant truffé de gros bacs. Par miracle, un piège à friends isolé apparaît après plusieurs mètres d’intense questionnement.

Alors que l’on rejoint les autres, à entendre la discussion entre « nos meilleurs potes » et la troisième cordée, il semble qu’il y ait eu débat… Peu importe la position maintenant, les longueurs sommitales permettent souvent la progression en parallèle. Nous avons remis les grosses et avons d’ailleurs forts mal vécu certains passages de IV.

Le clou du récit : la merde au sommet. Au sens propre. Quelqu’un avait tout bonnement chié dans les quatre mètres carrés plats du sommet ; de nombreuses personnes avaient marché dedans, en d’autres termes c’était indescriptible. Fouler une cime aussi emblématique est toujours un moment inoubliable. Merci à la cordée qui a su rendre cet instant définitivement inoubliable.

Alors que toutes les cordées redescendent sur le refuge du Promontoire, nous entamons la traversée des arêtes. Des brumes rendent l’ambiance sympa. Commençant à ressentir une certaine fatigue, nous ne speedons pas dans les manips. Alors que nous passons à la Troisième Dent, une cordée sympa sort de la face Sud. Ils ont gravi le bastion par les dalles de la voie Chapoutot ; puis ont rejoint la troisième dent par la sortie historique de Dibona ; cru 1912. Ils sont partis plus tard du Promontoire et ont gravi leur voie seuls, sans se presser, dans une ambiance bien différente des embouteillages que nous avons supportés – et parfois causés –.

Après quelques ultimes minutes sur le doigt de Dieu, cette superbe journée s’est terminée à vingt heures au refuge de l’Aigle. Nous y avons été superbement accueillis, nourris, et … divertis avant d’entamer une nuit d’une traite cette fois ci ;-) Je cite le gardien, hilare... « on ma laissé le choix entre l’Aigle et la prison, j’ai choisi l’Aigle »!!! D’après ce dernier, il n’est pas rare que les cordées revenant de la voie Allain pointent leur nez vers minuit, voir plus !

Pelvoux Arête W
Plénitude

La montagne nous offre parfois des moments de plénitudes indescriptibles, et ce we en fut assurément un. En ce mois de Juillet 2007, je commençais à fatiguer et à être moins motivé pour la montagne après un printemps et début d’été très chargé en superbes courses, et ce en parallèle du boulot… Quand la météo est bonne, que la grande forme et la grosse motiv sont là, que les marches d’approches commencent le vendredi soir à 20h, pour revenir dans son lit citadin le dimanche soir à 00h, autant dire que cinq jour de travail intellectuel ne sont pas de trop pour récupérer physiquement… Hélas le sommeil en prends un sacré coup! Je frise donc la déprime qui vient souvent après une telle période d’hyperactivité et de réalisations! Je dois donc spécialement remercier Jordi de m’avoir motivé pour ce coup là! Remerciements également au Chibawan qui nous a inspiré pour notre ascension du samedi : la face NW du Pic Sans Nom, une trouvaille du père Chap’s : pas extrême mais dans un cadre de haute montagne splendide. Pour le dimanche, nous allons opter pour l’arête Ouest du Pelvoux, course peu courue de par sa marche d’approche titanesque : l’attaque est à 3600m…

Nous prenons donc la route le vendredi soir pour le Pré de Madame Carle. Nous y parvenons alors qu’il fait encore jour. Du coup on préfère manger tranquillement au parking, puis la nuit tombée, nous entamons la courte approche pour le bivouac des Balmes de François Blanc. Il n’y a plus qu’à se glisser dans le duvet! Le lendemain, nous démarrons tranquillement et assez tard. Nous franchissons les séracs qui précèdent le couloir du Coup de Sabre, encore en bonnes conditions mais plus pour très longtemps. Dans cette marche d’approche, je sens ma baisse de forme et de motivation, mais je suis quand même là pour le plaisir! Globalement, cette ascension est peu intéressante au niveau de l’escalade : elle n’est jamais très jolie, le caillou n’est jamais très bon, il y a beaucoup de vires… Par contre le cadre est enivrant : on côtoie le couloir Ouest du Pic Sans Nom, on le chatouille même je dirais! Et l’on est dans une belle petite face haut perchée. Au milieu de la face, un passage particulièrement rébarbatif me donne un grand plaisir : donné en III sur le topo, il s’agit d’une rampe en rochers désagrégés et très verglacée, et évidemment quasi improtégeable… Même si un tel passage peut paraître dangereux, cela dépend de comment on le gravit: si l’on prends toutes les précautions et que l’on assume le danger en tant que tel, il en redevient humain. Il faut juste réfléchir deux minutes avant d’opérer le moindre mouvement! La concentration est maximale! Ensuite on fait une variante directe qui bien que pas extrême est assez peu protégeable… Puis vient le final, qui mérite à lui seul une visite : il reste deux ou trois longueurs à gravir sur le fil de l’arête de la pyramide sommitale, le rocher y est excellent, l’escalade intéressante en 4/4+, et le gaz et l’ambiance sont vraiment magnifiques. A noter d’ailleurs qu’on trouve un emplacement de bivouac à environ trente mètres sous le sommet : perché en plein ciel, il vous donnerait presque envie de rester là pour toujours! Mais comme d’habitude, nous avons d’autres projets ;-) Alors que le soleil diminue, nous entamons donc la descente qui bien que complexe est finalement assez sympa. On rejoint la voie de descente des arêtes de Sialouze, puis quelques rappels nous déposent sur le plat du glacier. Là, nous hésitons sur l’emplacement de bivouac, on décide de tenter cent mètres au-dessus du glacier : bingo, il s’agit d’un vieil emplacement encombré de pierres de toutes tailles : après un peu de ménage, c’est comme à la maison!! Il y a même un ruisseau à 15m! Le rêve :-) En plus il y aura à peine deux cent mètres de dénivelée d’approche demain!! On a juste le temps de faire la cuisine avant la nuit. Light is good for you, nous avons donc la micro-cartouche de gaz, une micro-gamelle… Et hop dans les duvets!

Ne souhaitant pas trop nous cailler, nous lézardons dans le duvet jusqu'à une heure non légitime, malheureusement le sommeil fut troublé par un cri d'effroi bardé de jurons: un gars qui se prend une pierre dans le couloir Coolidge à cinq heures du matin, il n’a vraiment pas eut de chance, fracture du tibia. Une heure plus tard, alors que nous sommes profondément rendormi, l'hélico va nous pourrir la grasse matinée pour un moment... Les vingt personnes de la voie normale passées - parties à la queue-leu-leu comme il se doit…-, le lieu reprend tout son calme, nous pouvons nous rendormir. Après un petit déjeuner rapide, vingt minutes de marche d’échauffement nous amènent à l’attaque!!! Ça a du bon le bivouac :-) Nous nous amusons par quelques acro-nimperies vers l'attaque : ne souhaitant pas mettre les crampons pour dix mètres, nous nous retrouvons les deux pieds à plat sur la glace, le piolet dans une main et le rebord glacé dans l'autre…! Le timing est parfait, le soleil fait son apparition dans la deuxième longueur. Et là, quelle excellente surprise que cette voie: le rocher est très bon, l'escalade est soutenue, intéressante et aérienne. On se régale vraiment. L'escalade est en effet parfois bien athlétique, mais peut être n'étions nous pas complètement partiaux avec notre maison sur le dos!! Une vire en neige glace pour renforcer l'ambiance montagne. Dans le haut de la voie qui devient plus décousu, nous parvenons à rester dans du degré V en bon rocher. Puis nous sortons au sommet à seize heures. Le retour s'effectue à pieds au Pré de madame Carles par le bel itinéraire de la traversée du Pelvoux, concluant ainsi cette grandiose combinaison. On peut toutefois supposer que certains alpinistes auraient peut être profité de l'hélicoptère présent dans les parages le matin même pour redescendre??! ;-) ;-) Vieux clin d’œil à Pépé Fix qui fut repêché quelques jours plus tôt à vingt heures, égarés dans le versant sud-ouest d’Ailefroide… Le PG les a abordé en anglais!!! Ils cherchaient une cordée de britanniques manquant à l’appel!!!

Pour conclure ce we de rêve, on s’est pris un sérieux à Ailefroide qui fit bien mal après l’affutage de ces deux jours d’efforts… Quelle sensation de plénitude :-) Et dire qu’à cette terrasse, nous côtoyons des grimpeurs de blocs qui lézardent toute la journée depuis une semaine! À nous, il nous reste trois heures de route!! Nous ne devons décidément pas être fait pareils pour aimer des efforts si différents!!