Récits

"On the road" dans les Ecrins (2004)

Un mois, deux gars qui ont soif de montagne : lâchons les dans les Ecrins... C’est l’histoire d’un mois de Juillet fantastique, comme on en rêve depuis toujours : une cordée inséparable, des courses superbes qui s’enchaînent, la pluie qui tombe précisément les jours de repos prévus… la cordée de rêve!

Intro

En 2003 je me lance dans mes premières courses d'alpinisme en "autonomie", l'été sera d'ailleurs ponctué de quelques erreurs d'inexpérience qui se sont heureusement toujours bien finies... Puis, au retour d'une course à la Meije Orientale (l'arête du Pousse Caillou), le gardien du refuge de l'Aigle, Jeanot, s'exclame "vous avez largement le niveau de faire la voie Allain à la Meije". C'est le déclic, merci l'ami, cette voie sera donc une luxueuse porte d'entrée pour accéder à cet été 2004! Commençons par le début : au mois d’Avril, je répond par hasard à un gars sur Camptocamp qui dit vouloir grimper cet été pour préparer le BE. Dès son premier mail, je sens qu’il y a moyen de faire de belles choses ensemble! Certes Ben n’a pas de grosse réalisation à son actif, mais il est passionné et surtout autonome : il a une forte culture montagne, et a apprit par lui-même le terrain d’aventure en ouvrant par exemple une voie dans Belledonne tout cela en habitant Paris et en n’ayant que Fontainebleau pour s’entraîner... Donc le rendez vous était pris pour faire connaissance, un beau week end à Presles. Et de mail en mail, on finit par se fixer pour le mois de Juillet entier, avec une préférence commune pour le massif des Écrins. La motivation est grande à l’approche de l’été, et cela ne fait aucun doute : ils s’entraînent ! Donc, ce sera non-stop du 1er au 30 Juillet…

Acte 1 : Le test

- Montée au Soreiller le 30/06

Benjamin tient la forme, il s'est entraîné en course à pied à Paris, et pour la conti, il s'est fait des circuits de blocs avec sac à dos!

- Le Rouget le 1/07, on hésitait entre « le Trésor de Rackam le Rouget » et « la Directe 76 ». Finalement on choisira les spits. Une voie intéressante avec 2 longueurs fort soutenues au départ; et un rocher d'anthologie, absolument fabuleux... A noter que la journée est déjà placée sous le signe de l’aventure - le ciel est bien gris, il ne fait pas très chaud, et à la descente par l’arête SW, on ne trouve pas les rappels et on en équipe 2 sur becquets - et sous le signe de l’optimisation - on laisse les grosses à la brèche avant les rappels d'accès -. Ambiance donc, but interdit!

- La Dibona le 2/07 par la magnifique voie des Savoyards.

Après le dièdre terminal, on sort par erreur par les cannelures Livanos. Il faudra donc revenir pour rectifier cette erreur… Sinon la voie est superbe, mention spéciale pour la grande traversée dans le tiers du bas.

Granitude

- Grande Aiguille de la Bérarde le 3/07, voie Granitude, course complète très belle et pour nous course contre la nuit, arrivée 23h00 à la Bérarde.

La course d’aujourd’hui s’annonce longue, mais pas d’orage en vue donc départ à 7h15 de la Bérarde pour atteindre la grande Aiguille par « Granitude » puis par l’arête qui suit. L’approche se passe, on rattrape une cordée partie juste avant nous : ils sont partis comme nous sans 2 paires de crampons et sont entrain de tailler des marches pour rejoindre l’attaque. On décide de les laisser démarrer afin de ne pas se gêner, et on attend tranquillement 40min, le temps des cerises...

Au départ de la voie, grosse surestimation de nos talents, j’y vais en grosse pas de chance l’escalade est plutôt en dalle et les cotations 4+ / 5 ne sont pas données, résultat je mets le temps, un bon taquet... et je remets vite les chaussons au relais! L’escalade se passe ensuite, sympa, peu équipée, pas mal de recherche d’itinéraire, mais globalement pas majeure. Finalement la cordée de devant a pris le large.

Mais on peut toujours être plus mauvais, d’ailleurs on va passer 1h10 à faire un 4+. Benjamin hésite, je lui dis que je le sens bien à droite des surplombs, il va voir, hésite longtemps, essaye un peu de partout sur la droite, re-désescalade puis va voir un peu à gauche, et finalement, retour au relais, « vas y, ça doit être à gauche ». J’essaye un coup à gauche, trop dur, je passe tout droit, trouve un piton, et je parviens à traverser sous les surplombs à gauche, belle escalade délicate, mais là, les surplombs ne passent pas, il faut se rendre à l’évidence: re-désescalade jusqu’au piton, puis je vais voir à droite, j’hésites à forcer un pas, mais le dessus à l’air peu protégeable, je traverse encore à droite, et là, ça semble grimper, ça passe et stupeur, le relais est caché juste à cinq mètres de là où Ben était allé en tout premier lieu… Petite discussion, « mais tu l’as pas vus ce p… de piton!!! ». On est partis sans le descriptif du topo « ascensions choisies », seulement avec un schéma… quelle bêtise, cela nous suffira comme leçon!!

Quelques temps plus tard, nous atteignons l’arête. Le jour est bien avancé; le topo indique 2h00 d’arête puis 2h30 de descente, ça semble jouable. Autre anecdote, on n’a plus d’eau… Le départ de l’arête présente un ressaut d’aspect raide, et je m’y élance sans l’approbation de mon pote convaincu que ça ne passe pas par là, en fait, c’est bien là, un piton de passage, mais pour du 4, ça envoie pas mal… on a remis les grosses et on est fatigués. A ce moment, on voit débouler la cordée de devant qui redescend : ils ont suivis l’arête plus haut et ont passé beaucoup de temps dans un ressaut, découragés, ils ont fait un rappel pour rejoindre une vire par laquelle ils nous ont rejoints. Ils posent un rappel pour le ressaut en 4 et on hésite à redescendre avec eux en partageant les cordes. Je suis de cet avis, vu que la cordée a été plus efficace que nous dans la voie, mon pote finit par me convaincre de continuer, je lui dit « ok mais va falloir envoyer ;-) ».

On part par la fameuse vire qui nous permet de nous élever facilement à bonne distance de l’arête, plus haut, après 2 pas délicats en traversée, on rejoint l’arête par un couloir. Encore 50m soutenus et aérien en 4 près du fil, surprenant par rapport à la description du topo, puis l’arête devient plus facile, en rocher brisé. La fin de l'arête est pour nous un vrai marathon. Assoiffés, on suce tous les glaçons que l’on peut trouver. On parvient finalement au sommet à 19h30, la vue est superbe avec la lumière du soir, la beauté est décuplée par l’état second dans lequel cet effort nous a plongé.

On entame vite la descente, une interminable et pénible désescalade dans du rocher pourri, avec une recherche permanente du cheminement le plus facile. C’est une course contre la nuit qui s’engage. Malgré une erreur d’itinéraire dans le bas qui nous vaut deux pas de IV à désescalader, on parvient à rejoindre in extremis le sentier vers 2700m à la limite de la pénombre!!! Sans cela, on était bons pour un p’tit bivouac… Après une course effrénée sous les lumières de la Bérarde (si l’on s’assied, on ne se relève pas et on s’endort!), on arrive décomposés à 23h00 au camping. La cordée descendue en rappel est arrivée 1h00 avant nous. Malgré quelques boulettes, cette journée fut superbe... Le topo « ascensions choisies » nous a semblé avare de renseignements pour l’arête et inexact pour la redescente (horaire donné en 2h30 surréaliste - style on l’a fait en avion de chasse - et texte carrément faux).

Acte 2 : L’hésitation

Après un dernier jour de grand beau qui nous voit à la sieste (un peu de bloc quand même!!), un temps orageux semble s’installer.

- Le 5/07, orage annoncé en fin d’après midi, on prévoit de faire la voie « Le Toit de son Maître » à la Grande Ruine à la journée, mais le réveil ne sonne pas… But réveil. Au vu de l'horaire, on se dirige vers les dalles de l’Encoula, pour gravir « un grand pas vers le bon dieu ». C'est une très belle voie, deux 6c raides dont un sera méchamment obligatoire le jour où l’anneau de corde pendouillant ne sera plus là. La voie est soutenue en dalle et on sort presque avec de l'acide lactique dans les mollets!!! Les dernières longueurs sont belles dalles engagées en V/VIa qui semblent ne pas en finir, on se dira « tain Cambon aurait pu mettre un spit ou deux en plus!! ». On se prend quand même l’orage dans les rappels… Ça lave les cordes au moins ! Le reverso provoque un essorage de la corde, le filet d’eau glacée nous arrosant encore plus que la pluie pourtant battante!

Acte 3 : La résignation

Ensuite, un temps nuageux et orageux se fixe, peu propice à nos projets; après quelques tergiversations au camping de la Bérarde, je propose un repli sur Chambéry.

- Du 8 au 11/07, on fait de courtes escalades de la matinée à Chambéry : Margériaz, Chambotte, Peney, Savoyarde reçoivent notre visite. Il fait déjà bien froid en face Nord du Margériaz, alors qu’est-ce que ça doit être à 4000m...

Acte 4 : L’engrenage infernal

Alors qu'une fenêtre météo se dessine, la cordée est maintenant bien rôdée et ne va plus s’arrêter!

- Après des préparatifs hautement logistiques qui n'en finissent plus, nous montons au bivouac du glacier Noir dans les nuages le 13/07.

La moraine du glacier Noir est pourvue d'un excellent sentier en pente douce... "Les marches d'approches dans les Écrins sont vraiment pénibles, contrairement à celles du Mont Blanc", dit le mythe...

Au bivouac, mes pensées sont habitées par quelques incertitudes propres à la veille d’une grande course : va-t-il vraiment faire beau demain; la rimaye va-t-elle passer; et si on se prend une chute de pierre dans le bas; imaginons que l'on se prenne l'orage, que ferait-on; et si on se trompe d'itinéraire dans le gigantisme de ce pilier... et si... Ce genre d'inquiétudes est à purement garder pour soi; dans le cas contraire on retournerai illico dans la vallée siroter une bonne bière. Certes on cherche toutes les informations possibles avant de s’attaquer à une course : topo, conditions, météo; mais il reste toujours une part d’incertitude et de risques qu’il faut accepter.

Vision surnaturelle et grandiose du pilier nord du Pelvoux qui se déchire entre les brumes pendant la nuit. Laissons en pour plus tard...

Toute la face voisine du Coolidge (couloir Dérobé, voie Bonatti) n'arrête pas de dégueuler d'énormes pavés du crépuscule à l’aube… Charmante façon de nous convier en ces lieux!

Pilier Sud
Pilier Sud

- Pilier Sud des Ecrins le 14/07.

On passe la rimaye à l'aube. Les dernières brumes s’évaporent en même temps que nos doutes : ça déroule dans le pilier. Le rocher est tout à fait bon, mis à part les éboulis de la vire de départ. Il faut quand même que je freine les ardeurs de mon compagnon, parfois attiré par des variantes sans issues alors qu’il y a un escalier à côté :-)

Pour le bastion, on choisit de mettre les chaussons, mais de continuer à corde tendue. L'ambiance y est énorme avec une vue plongeante sur toutes les tours du pilier gravies auparavant. Certains passages du bastion sont en rocher moins excellent...

Sur la fin, on trouve du terrain mixte en rocher de moins en moins bon… Vu l’aspect englacé du final, nous sommes sortis par le couloir à gauche. Une traversée que l’on n’est pas près d’oublier : 150m en glace, traîtreusement cachée par une couche de 5 cm de neige... avec un piolet pour deux, il y eut du sport…).

On a opté pour une stratégie légère: pas de réchaud ni de duvet, juste une doudoune chacun au cas où; pas de bâtons télescopiques; un piolet pour 2.

C'est un premier 4000m pour Ben, et pour ma part une belle revanche : je peux enfin découvrir le panorama du sommet, car l'année précédente, une mer de nuage à 3900m ne laissait pas dépasser grand chose!!!

L'arête de la voie normale de la Barre est certes facile mais très belle et aérienne : c'est toujours un plaisir à parcourir, mais toujours à la descente ;-). D'autant que c'est un véritable cas d'école pour l'assurage à corde tendue : elle est dotée d'un excellent becquet tous les 6m environ.

Il fait froid et la descente est encore en excellente conditions en ce milieu d'après-midi. Alors que l'on rattrape à la rimaye une cordée qui a pris son temps, on entame la descente à bon rythme jusqu'à la vallée; c’est que l’on a quelques projets pour le lendemain... Benjamin propose de remonter illico au bivouac des Balmes ; quel panache! Mais j’en suis incapable.

Aurore Nucléaire

- Pas de répit le 15/07 : Après un bivouac à l'arrache dans la vallée, à 5h le réveil est difficile... moral dans les chaussettes; allez, on se bouge : levé 5h30 en direction de « Aurore Nucléaire » en face Nord du Pic Sans Nom.

La marche d'approche est avalée doucement, on dépose au passage nourriture et matériel inutile au bivouac des Balmes. Comme d'habitude, on monte gourdes à sec et on les remplit au dernier ruisseau. On gravit lentement et dans une douceur agréable les 500m superbes et très soutenus de « Aurore Nucléaire ». Quel délassement aux relais après l’effort de la veille! Il faut tout de même être présent avec de nombreux pas de 6a obligatoire parfois un poil expos (débuts de longueurs…).

Les récits habituels de cette voie parlent de froid vif, de coulées de glace; de flots incessants de roche dans la raie des Fesses. Eh bien désolés, mais pour nous, rien de tout ça. Non pas que ça randonne, je n'ai pas dit ça. C'est même plutôt soutenu : arrivé à un point, au vu de la "quantité d'escalade effectuée", je pense avoir grimpé les difficultés; erreur, on est au milieu de la voie, et les deux longueurs en 6b sont au-dessus de nous.

Il faut rester attentifs dans les rappels; alors que l'envie de dormir est bien présente. Petite anecdote de ma part : je descend souvent en rappel avec les chaussons « talon non enfilé »… C’est plus confortable ;-) A l'avant dernier rappel, qui permet de franchir la vire d'accès, je m'empêtre en voulant attraper le relais, et je perds un chausson. Arhhh!!! C'est pas possible! Vu la rimaye qu'il y a en dessous, il est définitivement perdu. En plus pour couronner le tout je termine le pied nu dans la neige!!!

Et là, merci à ma bonne étoile : à l'issue du rappel, qui touche la neige à 4m près (heureusement que l’on a choisi le relais le plus bas!), je retrouve mon chausson posé dans la neige, à 20 cm du bord de la rimaye… De l’autre côté, il a une marge de 50cm avant une pente à 30° qui saute dans une crevasse!

On arrive au bivouac des Balmes pas loin de la pénombre : on remplit les gourdes, un bon plat de pâtes, et on se glisse dans les duvets. Nous avons exploité de manière superbe le moindre flot de lumière que le soleil a voulu nous offrir aujourd'hui , ainsi que la moindre de nos ressources physiques disponible :-) Il en résulte la sensation douce de s’endormir avec la nature...

- Pilier Sud de Barre Noire le 16/07.

Pour être honnête, on n'avait pas repris la météo depuis 3 jours... On se lève, le ciel est étoilé, donc let’s go!

Malgré le récit peu élogieux de grimpeurs étrangers deux jours auparavant (rocher moyen et pas assez d'escalade selon eux), on se dirige vers le Pilier Sud de Barre Noire. La marche d'approche est rondement menée. La fin de l'approche sur le névé gelé est négociée sans les crampons, Benjamin galope devant. A vouloir suivre un berger (son job d’été depuis quelques années), je vais me mettre taquet : quelle aisance d’évolution dans ces terrains scabreux! Quelques craintes de finir au pieds du névé, 300 plus bas, quelle connerie!! Mais ça passe :-)

Dans le couloir d'attaque, une chute de pierre venant de l'arête nous fait hâter les préparatifs. La course est rapidement avalée, en grande majorité à corde tendue. Le pilier offre un grand choix de cheminement dans sa première moitié, pas majeure. La fin est grandiose au niveau de l’ambiance: on grimpe en rocher rouge avec en perspective le Dôme et la Barre se déchirant entre les nuages. Finalement, on se régale dans cette voie, comme quoi les classiques restent les classiques...

Il ne fait pas très chaud à la pause du sommet, comme quoi grimper à corde tendue a plus d'un avantage ;-)

On prend une averse de grésil à la descente au moment où l'on rejoint la trace du dôme.

Stratégie : au refuge du glacier Blanc, Benjamin me donne tout son matos et file « à vide » pour retrouver l’embranchement des vallées et remonter 400m d dénivelée jusqu’au bivouac des Balmes. Il récupérera ainsi le matos laissé (la stratégie du jour : 2 paires de bâtons ; 1 piolet pour 2 ; pas de doudoune). L'orage frappe une fois arrivés au parking. Si l'on avait eut un bulletin météo annonçant l'orage, serait-on partis dans cette voie? Au vu de l'horaire réalisé, on avait une bonne marge mais le topo donnait pas mal plus...

On effectue le retour à Chambéry dans la soirée; c’est éreintant mais le sommeil sera bien plus réparateur dans un lit que sous une tente humide...

Acte 5 : Le but

Un temps pas fantastique nous dirige vers la Haute Maurienne après une journée de repos.

- Le 18/07, à la recherche de la voie « Levanna Jones » à la Levanna, ouverte par Pierre Chapouteot, on se trompe de face et on fait le sommet par du crapahute dans la caillasse !!!

Après une marche d’approche longue comme un jour sans pain, on choisit de ratisser la face de gauche à droite pour trouver la voie; on y passe 1h30 mais rien à faire, les signes caractéristiques de l’attaque n’apparaissent pas… Sommes nous aveugles? Finalement, on se décide pour la voie normale de la Levanna Orientale, équilibre sur de gros blocs instables.

Au sommet, on regarde encore la carte. Et soudain, Benjamin lance « ça y est, j’ai trouvé ». En fait on a vraiment été mauvais, trop « le nez dans le guidon »… Le topo dit que la voie est à l’aplomb de la côte 3593m de la Levanna Orientale. Au premier coup d’œil sur la carte, la Levanna Occidentale est à 3593m, donc ça doit être ça. Eh non, pas en Haute Maurienne! Car il y a aussi une côte 3593m à la pointe Orientale, sur la carte, elle est recouverte d’1 large trait vert qui l'a dissimulé à l’œil étourdi qui est le mien! On était au pied de la mauvaise face! Ceci n’a pas que du mal pour l’avenir, mais tout de même, se lever à pas d’heure et marcher tout ça dans la nuit et le brouillard, pour aller grimper dans la caillasse!!! En tous cas, on reviendra, c’est sûr.

Présentant sa face de marbre à notre empressement juvénile, la Levanna a su nous tenir en respect.

Acte 6 : La résurrection

La reine Meije nous laisse approcher

Horreur du Bide

- Le 20/07 Montée au refuge du Promontoire par les Enfetchores, itinéraire sympathique. Le sac est lourd et on essuie quelques averses de grésil.

- Le 21/07 Voie Cambon « l’horreur du bide » au doigt du glacier Carré, 6b/A0 max, du 6a aéré, très belle escalade à deux pas de l’arête du Promontoire.

On attaque par les 3 premières longueurs de la "Voie des Marseillais", le début de notre voie étant humide. Les 2 premières des "Marseillais" sont intéressantes et soutenues. Des militaires qui voulaient faire cette dernière renoncent en nous voyant dans la 1ère longueur, qui il est vrai n'est pas aisée (le crux est au-dessus d'un piton qui ne peut être mousquetoné que sur une vieille cordelette! Trop taquet pour la couper...). On pourra les observer (et les entendre!) à 100m de distance et admirer leur vol dans la voie "Nous partirons dans l'ivresse".

Ensuite, les longueurs suivantes ne sont pas extras, avec un wet 6a (comprendre 6a humide); cotation proposée w3+/w4 sur une échelle semblable au mixte!!! Ensuite la voie emprunte un très beau mur gravi par 3 longueurs de 6a engagé. Là où selon la légende, Cambon a un jour pris un but et ce plusieurs années après l’ouverture (il se remettait d’une blessure ce jour là!). Puis on rejoint un pilier avec de très beaux passages assez aériens. On a fait demi tour au niveau du pas du Chat, à 3 longueurs du sommet; de peur de l’orage : finalement, il ne viendra pas.

Le 22/07 Après un faux départ pour le Grand Pic au Dossier du Fauteuil (Benjamin oublie ses chaussons et se paie un footing matinal au pied de la face sud!), on se dirige vers « l’épinard hallucinogène » au bastion de la face Sud.

Belle voie, éloignée des "standards actuels de la grimpe", avec du 5+ assez peu protégeable.

Attention au ruissellement, le premier 6b passe en tire clous- graton mouillé ; mais 2 longueurs après, un dièdre en 6a+ était complètement trempé lors de notre passage et bien sûr à protéger!

L'ambiance est très belle dans le bastion avec 2 longueurs en 6b et une en 5c très belles et aériennes.

Epinard Hallucinogène

- Le 23/07 Voie Chapouteot/Wyns au Bastion - Mayer/Dibona à la 3ème Dent de la Meije

On commence à connaître le chemin de la face Sud. C'est la routine cette manip depuis le Promontoire : le câble ; le rappel ; on plie la corde et zou! Encore une fois, les cordées vont s'entasser dans la voie Allain...

Notre itinéraire est intéressant et devait être assez expo avant spitage des relais, quoique la moitié des spits auraient pus être évités. Cela n'enlève pas toutefois une recherche d'itinéraire permanente dans de belles dalles en IV/V/V+. Eh oui, les relais sont bons, encore faut-il les trouver! On appréciera le cheminement louvoyant astucieusement, on a l’impression d’être dans un océan, avec, en ligne d’horizon, le Grand Pic et la verticale de la voie Allain, sur laquelle le point de vue est superbe : on peut suivre l’évolution des différentes cordées du bas en haut!

Puis on sort à la 3ème Dent de la Meije par la voie Mayer/Dibona (millésime 1912 !) pas si aisée que ça : la grande vire vers la gauche est fort délicate et le pas qui suit est déroutant; enfin la sortie directe de la "fissure Stofer" clôt superbement cette voie d'ampleur. De la 3ème dent, on est rapidement au Doigt de Dieu, puis la descente par l’Aigle est rapide car encore bien enneigée. Cette course est assez peu courue, elle est au moins aussi belle que la voie Allain au Grand Pic qui est malheureusement sur fréquentée.

Des aspis sympas qui voulaient faire la traversée Rateau/Meije/Meije Orientale/Pavé/Gaspard à la journée (ambitieux! ils se sont arrêtés à l'Aigle) nous ramènent en stop à la Grave.

Acte 7 : Le sommet
Action Directe

- Le 25/07 Montée au refuge du Chatelleret par son sentier plat et caillouteux.

- Le 26/07 Voie Cambon « action directe » au Pic Nord des Cavales, 6c max, très belle escalade, plus dure mais plus équipée que sa voisine « la Fureur de Vivre ».

C'est une voie à faire, bien équipée et avec des passages de toute beauté dans les surplombs. Étions nous très en forme ou la voie est-elle très légèrement sur-côtée par jmc???

Pic Maître
Pic Maître

- Le 27/07 : voie du « Pilier W » suivi de « l’arête WNW » au Pic Maître de la Grande Ruine, grande course d’aventure; le grand Oisans sauvage...

Vraiment une course formidable de part la qualité de l'escalade et l'ambiance montagne. Finalement, le rocher n'est pas "si pourri que ça" dans cette voie, il l'est seulement pour les passages très faciles du haut, et pour un court ressaut. Il nous a vraiment fallu persévérer dans le haut car ça n'en finit pas : on gravit un ressaut difficile, on traverse, on s'aperçoit qu'il en reste encore plusieurs avec redescente... Le moindre mètre de dénivelé est mérité!

D'après les gardiens des refuges Chatelleret/Adèle Planchard, peu de répétitions connues ces dernières années.- Le 28/07 Retour à la Bérarde via le col de la Casse Déserte.

Tuyautés par la gardienne, on rencontre au col des Neiges Marcel Brun, l’auteur de la voie gravie la veille(ouverte en 1964, 6a à 3500m…), et on discute longtemps avec lui vers 7h00 du mat ! Échange rare! C'est surréaliste de l'avoir rencontré par hasard et de discuter avec lui en cet endroit et à cette heure avec l'ambiance magnifique de l'aube et ses brumes au loin sur le Briançonnais…

On gravit au passage la Tour Choisy, cerise sur le gâteau : belle facette facile au soleil (fait à corde tendue, temps de montée presque égal au temps de descente en rappels !).

Le passage du col est délicat d'un côté comme de l'autre : glace vive, terre, rochers instables...

Acte 8 : Épilogue

Alors que la fatigue accumulée ces derniers jours commence à se ressentir, on se laisse tenter par une dernière petite course en Vanoise, 30min d’approche pour 750m d’escalade !!!

- Le 30/07 Grand Marchet, « Zone Interdite », dur de se remettre au calcaire après un mois de granit : mes pieds, ils ne tiennent pas!.

En conclusion finale, une cordée mythique! Pour réaliser plusieurs grandes ascensions dans une période donnée, être une cordée unique dispo 100% du temps est plutôt rentable! On peut ainsi attendre les créneaux météo et ne pas partir avec une météo pas extra pour ensuite être fatigués les jours de beau temps comme on le fait souvent lorsque l’on a peu de temps libre.

« Pour la fierté », un petit bilan chiffré du mois de Juillet :
8500m de dénivelé en paroi,
192 heures d’effort soit 6h10 de moyenne par jour,
Dont 105 heures en parois soit 3h30 par jour.